Points de vue

Pesticides : le poids de la dette

29 mars 2016



En France, on a coutume de vanter notre électricité soi-disant “bon marché” parce que essentiellement d’origine nucléaire, de favoriser des regroupements d’entreprises parce que « générateur d’économie d’échelles ». Ou encore de se féliciter de notre agriculture nourrie aux phytosanitaires « et donc exportatrice ».
Et si tout cela n’était qu’un leurre ?


Volume 19 of the series Sustainable Agriculture Reviews pp 35-120
Date: 20 February 2016

The Hidden and External Costs of Pesticide Use

·                  Denis Bourguet 
·                   Thomas Guillemaud

Des études rares … et bon marché !
Les pesticides pourraient nous coûter bien plus cher qu’ils nous rapportent, et probablement  depuis déjà un certain temps !
Pendant des décennies, les tenants  de l’agriculture conventionnelle, proches du syndicat majoritaire FNSEA, ont chanté le même refrain. « Oh certes, il y a bien quelques dégâts causés à la santé et à l’environnement, mais ces coûts ne dépassent pas les bénéfices ».
Mais comment prendre en compte – c’est-à-dire comptabiliser – les aspects négatifs ?
C’est précisément ce qu’ont essayé de faire Denis Bourguet et Thomas Guillemaud, deux chercheurs français de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), en analysant le coût des «externalités négatives» de ces produits.
Passant en revue 61 publications de la littérature scientifique, ils analysent quatre types de coûts, réglementaires (décontamination, surveillance, etc.), sanitaires, environnementaux et d’évitement. Il s’agit notamment du lié à l’achat d’aliments bio ou de bouteilles d’eau minérale, ou encore les équipements de protection pour agriculteurs.

De l’art de bien noyer le poison …
Premier constat, il est fort probable que chacun de ces coûts ait été largement sous-estimé. En matière de santé, les effets de l’exposition chronique pourraient augmenter les coûts, en 2005 aux Etats-Unis, de 1,5 à 15 milliards de dollars, soit une multiplication par 10.
Les conséquences environnementales, sur la flore, sur la faune, sur la vie microbienne du sol, n’ont jamais été évaluées. Une étude fait état d’un coût de 8 milliards de dollars au Etats-Unis en 1992, chiffre probablement très en-deçà de la réalité.
Les coûts réglementaires atteignaient 4 milliards de dollars aux Etats-Unis dans les années 2000. Si l’ensemble des procédures réglementaires avaient été respectées, ils auraient dû atteindre 22 milliards de dollars. Quant aux coûts d’évitement des pesticides, les auteurs évoquent le chiffre de 6,4 milliards de dollars au niveau mondial en 2012, uniquement pour le surcoût lié à l’achat d’aliments bio.

Alors, quel bilan ?
L’étude chiffre un coût total se rapprochant de 40 milliards de dollars en 1992, pour un taux bénéfice-coût de 0,7. Pour le dire autrement, les avantages financiers de l’emploi des pesticides, en termes de productivité agricole, sont 30% inférieurs aux «externalités négatives».

Et en 2016 ? En l’absence de données plus récentes, difficile à dire. Mais il y a fort à parier que la situation n’ait pas changé, voire empirée !
 
Pesticides, nucléaire … même combat ?
L'EPR, dont celui de Flamanville, fait face à un véritable gouffre financier. Estimé à 3,3 milliards en 2005, le coût total est désormais évalué à plus de 10 milliards d'euros.
La fuite en avant techniciste se paie au prix fort : maintenance des centrales, sauvetage d'Areva, EPR britanniques, démantèlement des vieux réacteurs, gestion des déchets, ...
Les financiers déplorent la sortie du CAC 40 : EDF, hier fleuron de l’industrie française, voit sa valeur boursière divisée par 8 depuis 2008.
Les pesticides, comme le nucléaire, laissent une dette énorme – financière, sociale, écologique, sanitaire – aux générations futures.

Quand reconnaitra-t-on que productivisme et capitalisme sont la ruine de l’humanité ?
Un autre monde, vite !

       
 

Pesticides : une "drogue dure" pour la France ?



« On est dépendant quand résister au besoin de consommer devient impossible. On ne peut plus se passer de consommer un produit sous peine de souffrances physiques et/ou psychiques. La vie quotidienne tourne largement ou exclusivement autour de la recherche et de la prise du produit. La dépendance peut s’installer brutalement ou progressivement, en fonction de l’individu et du produit. On peut devenir dépendant d’un produit sans s’en rendre compte » expliquent les sites consacrés à la santé.

« Faites ce que je dis mais ne dites pas …
A force d’entendre tel ministre ou autre « responsable » dire qu’il faut réduire l’usage des pesticides, on finirait presque par croire qu’il n’y en a plus beaucoup !! Qu’on serait même pas loin d’une alimentation saine, à consommer les yeux fermés !
La réalité est bien différente !
Le Ministère de l’agriculture a rendu publics mardi 8 mars 2016 les nouveaux chiffres sur l’utilisation des pesticides en France. Ils sont inquiétants. Loin de diminuer, l’usage de pesticides a encore augmenté entre 2013 et 2014.

Des résultats accablants
Rappelons-nous l’objectif affiché avec emphase lors du Grenelle de l’environnement : diviser par deux la consommation de pesticides. C’est un échec : la consommation de pesticides a augmenté de 16% en tonnes entre 2013 et 2014.
Toujours entre 2013 et 2014, les traitements de semences ont bondi de 31,4% et les produits contenant des molécules suspectées cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ont augmenté de 12,9%. Les pesticides imprègnent tous les milieux naturels avec 92% des cours d’eau pollués et des impacts sur la santé humaine de plus en plus avérés.

Ecophyto 1 … 2 … 3 demain ?
Ce plan, approuvé lors du Grenelle de l’environnement par l’ensemble des acteurs, se heurte au manque d’engagement d’une majorité d’agriculteurs, de distributeurs de pesticides et d’organisations agricoles.
En 2014, le ministère a fini par reconnaitre la réalité : loin de diminuer, entre 2009 et 2013, la consommation de pesticides continuait à augmenter. De 5 % en moyenne, et même de 9,2 % entre 2012 et 2013. L’Etat français a donc dû revoir ses ambitions à la baisse. La réduction de 50 % de la consommation de pesticides a donc été reportée de 2018 à 2025.

Du courage ?
Pour atteindre les objectifs du plan Ecophyto, il est urgent d’interdire les pesticides les plus dangereux. A commencer par les néonicotinoïdes, des insecticides dangereux pour les pollinisateurs actuellement en débat dans la loi sur la biodiversité, du glyphosate, dont la réautorisation est en débat au niveau européen, et des insecticides utilisés dans le traitement post-récolte des cultures, à l'origine de la majorité des contaminations de produits alimentaires.
Rappelons que certains insecticides - à base de chlorpyriphos-méthyl – sont fortement impliqués dans le développement des leucémies et des problèmes de neuro-développement chez l'enfant.

Et pendant ce temps …
… pendant ce temps, les enquêteurs de la Concurrence et des Fraudes ( communiqué de la DGCCRF, 2 mars 2016)  publiaient le résultat du contrôle de 5 480 échantillons de produits d’origine végétale (fruits, légumes, céréales, épices, etc.) mis sur le marché français, contrôle dans lequel 482 substances différentes ont été recherchées.
Résultat : résidus de pesticides quantifiables dans un échantillon sur deux. Plus précisément dans 74 % des échantillons de fruits, 59 % des céréales et un produit d’alimentation infantile sur 16. Les non-conformités touchent principalement les oranges, ainsi que les pêches et les nectarines.

… et pendant ce temps, l'agriculture industrielle se poursuit. Très gourmande en pesticides et autres produits phytosanitaires. Les projets de ferme-usines se multiplient, les petites exploitations familiales disparaissent 1 , les grands groupes agro-alimentaires 2 se portent bien.
L’Humain d’abord ? Il est urgent de réagir.



1 - Diminution de 26 % du nombre de fermes entre 2000 et 2010, en France. En Europe, d’après la Confédération Paysanne, « une ferme disparait toutes les 3 minutes ».
2 - 10 entreprises dominent ce marché et possèdent la plupart des marques connues !
En savoir plus sur http://www.consoglobe.com/marques-produits-alimentaires-cg#R6iVwbdqe0BsEePG.99




De la planète à mon assiette


Depuis 50 ans, que de changements dans notre façon de nous alimenter. Nos parents et leurs parents avant eux, ne consommaient pas comme nous. Leur alimentation était davantage dépendante des saisons. De plus, certaines générations avaient connu des pénuries : il leur était impossible de gâcher de la nourriture.
Aujourd’hui, la nourriture est moins chère et la publicité ainsi que les offres promotionnelles, partout autour de nous, encouragent sans cesse à acheter en trop grosse quantité et nous n’arrivons pas à tout consommer.
Jeter de la nourriture ne semble plus « tabou ».
Dans les champs, les usines, les maisons, au restaurant : il y a en permanence d’énormes pertes et gaspillages de nourriture.
Cette vaste poubelle qui déborde devient une ombre préoccupante sur le modèle de développement qui a régi ces 5 dernières décennies l’économie des pays occidentaux. Un modèle économique qui, aujourd’hui – nous le savons avec certitude - apparaît totalement insoutenable.

Peut-on encore accepter une économie qui se mesure uniquement sur la croissance du P I B et se fonde sur l’augmentation continue de la consommation, sans prendre en compte le fait que les ressources naturelles sont limitées et que notre planète possède des frontières physiques, limites infranchissables à la croissance ? Une économie qui n’a jamais vu dans le gaspillage des ressources, en particulier celles alimentaires, un facteur négatif, et qui l’a même toléré, en le considérant comme un sous-produit inéluctable de son modèle de production. Toléré, voire stimulé.
La réalité culturelle, sociale et économique dans laquelle nous souhaitons vivre n’accepte pas plus les inégalités, les injustices, que le gaspillage.

Cette préoccupation n’est pas nouvelle puisque la Conférence mondiale sur l’alimentation avait déjà indiqué… dès 1974 que la réduction des pertes de nourriture après récoltes dans les pays en développement pouvait constituer un moyen de lutter efficacement contre la faim dans le monde.
Faut-il rappeler que, 40 ans plus tard, le nombre de sous-nutris sur la planète avoisine les neuf cents millions ? Que dans ce monde gavé de nourriture, un enfant meurt de faim toutes les 6 secondes ? qu’en France même 3,5 millions de personnes recourent aux associations de dons alimentaires et qu’en 2013-2014, les Restaurants du cœur ont distribué 130 millions de repas à près d’un million de personnes.

Il ne s’agit pas seulement dénoncer une réalité, mais surtout trouver des explications et solutions possibles.
 C’est le modeste objectif de cette brochure.

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